samedi 3 novembre 2012

Métamorphose

Bien que j’y sois rarement obligée, j’aime bien changer de tenue avant un rendez-vous. C’est souvent assez acrobatique, c’est cela qui m’amuse justement. Je sors du bureau, j’entre dans un café et, peu après avoir commandé, je descends aux toilettes avec mon petit sac sous le bras. Là, je déballe tout et entreprends la Grande Transformation : le pantalon tombe, j’enfile les bas neufs (en faisant attention à ne pas les filer), je change de dessous – et me tortille parfois pour agrafer seule ma guêpière. Les ballerines cèdent la place aux escarpins (quand ce n’est pas aux talons aiguille). Je me faufile dans ma robe, range mes affaires avant qu’une impatiente ne vienne frapper à la porte et je sors me faire une beauté devant la glace du lavabo. Mes yeux s’ombrent, ma bouche rougit, le parfum se fait capiteux. En quelques minutes – je suis devenue experte en la matière – je suis méconnaissable, et il n’est pas rare que le serveur me regarde avec étonnement quand j’émerge à nouveau devant mon verre de vin blanc. J’aurais pu faire espionne, me suis-je souvent dit, alterner les perruques blondes à la Marilyn ou brunes à la Louise Brook, passer de la discrète employée de banque à la flambloyante star de cinéma… Mais parfois je me fais penser aussi à la version féminine de superman, qui se change en un clin d’œil dans une cabine téléphonique. Surtout la fois où, n’ayant plus le temps de trouver un café, j’ai procédé à cette métamorphose dans le hall d’un immeuble, en priant pour que personne n’ouvre la porte à ce moment précis.