Cela fait un bon moment maintenant que je n'ai pas écrit dans ce blog...
Manque de temps, ma vie professionnelle se faisant plus prenante,
manque d'inspiration aussi peut-être... Un film que j'ai vu hier m'a
donné envie de reprendre la plume. The Duke of Burgundy est un étrange
objet cinématographique : très esthétique voire esthétisant, il aborde
un sujet peu traité (le SM entre femmes) d'une manière originale.
Bien
loin du SM de pacotille des 50 Shades, il démonte les ressorts de ces
jeux pas si innocents. Si la première "lecture" est affriolante
(sensualité des scènes filmées par une caméra qui caresse littéralement
les actrices), la seconde sème le doute et la troisième engendre le malaise.
Car le scénario est construit par retours successifs sur les mêmes
scènes, progressivement chargées d'une signification plus profonde - mais
aussi plus triste.
Sans vouloir tout révéler, cette déconstruction d'une relation où celui
qui domine n'est pas celui qu'on croit m'a renvoyée à ma propre
expérience en la matière.
Pendant longtemps, j'ai pensé que le SM n'était pas "mon truc". En tout
cas pas sous son aspect d'humiliation et certainement pas en tant que
Domina (soumise dans un jeu sexuel "soft", ça, oui ;)).
Et puis un jour, il y a quelques temps de cela maintenant, un client
s'est mis en tête de me "convertir". Persuadé que j'avais l'étoffe d'une
Maîtresse (je me demande encore ce qui lui faisait penser ça), il m'a
convaincue d'essayer et, peu à peu, a réussi à me faire prendre plaisir à
ce rôle. J'aimais les tenues sexy qu'il m'offrait, manier la cravache,
le promener en laisse dans le club où il a ses habitudes. J'appréciais qu'on
m'y admire et qu'une cour de soumis se forme autour de moi pendant que
je le corrigeais. J'avais l'impression de revenir à ma première
vocation, abandonnée lorsque les rêves de jeunesse ont du faire place à
la réalité, qui était de devenir comédienne pour pouvoir vivre mille
vies. Car là aussi il fallait, non seulement se glisser dans un costume
mais bien dire son texte, et qui plus est, l'improviser tout en
ayant l'air convainquant. J'ai toujours eu des doutes sur ma capacité à
être crédible dans ce rôle si éloigné de ma propre personnalité. C'était
ce qu'on appelle un vrai rôle de composition, même si je puisais dans
mes propres émotions (colère contre un chef abusif, envie de me défouler
sur quelqu'un des petites contrariétés du quotidien) pour entrer dans
mon personnage. Mais qui dit rôle de composition dit effort, maîtrise de
soi permanente, préparation avant d'entrer en scène, temps d'adaptation
après en être sortie pour revenir à la "vraie vie"...
Tout ceci explique pourquoi je me suis éloignée de ces jeux. Non que je
n'y aie jamais trouvé de plaisir, bien au contraire... Mais aujourd'hui,
ou du moins pour le moment, je préfère les plaisirs plus simples. Je
n'ai plus l'énergie (mentale plus que physique) de me glisser dans ma
combinaison de latex. Je n'arrive plus à jongler entre dossiers et
fessées. C'est cette lassitude que j'ai retrouvée dans le personnage de Cynthia dans le film, cette femme qui ne rêve que de partager des moments de
douceur avec son amante et qui se retrouve prisonnière d'une partition
écrite à l'avance.
Aujourd'hui mes rendez-vous sont en effet sous le signe de l'abandon,
j'y apporte ma tendresse et parfois ma fougue, selon ce que m'inspire
mon partenaire. Si je garde toujours un masque, condition sine qua non
de ma double vie, je me permets davantage d'être moi-même et de me
livrer. Il est vrai que je vois aussi moins de clients et
essentiellement des fidèles, quasiment des amis, avec qui je partage
souvent plus que deux heures de folie des corps.
Je ne regrette pas d'avoir vécu d'autres expériences car j'avais cette
soif de découverte. Je l'ai moins à présent. Je sais qu'en avouant tout
ceci je vais faire de la peine à mon soumis qui, lui aussi, pourrait
mériter le titre d'ami. Lui montrer ainsi les coulisses, mon visage sans
fards, risque de briser ses illusions à mon égard. Mais après ses
nombreux messages laissés sans réponse je lui devais, il me semble, une
explication. Qu'il aille voir ce film, et il comprendra.