mercredi 3 novembre 2010

Les âges de la vie / Elles

E. a 21 ans, elle est montée à Paris, elle veut percer dans la chanson, faire la Star’Ac ou créer son groupe de blues, elle ne sait pas trop encore. En attendant, il faut qu’elle paie son loyer, ses fringues, ses sorties – ses sorties surtout. Elle aime faire la fête, inviter ses amis, et les amis de ses amis, et aussi ceux qui n’étaient pas ses amis il y a cinq minutes mais qui vont bientôt le devenir. Elle se dit qu’elle a toujours le temps de prendre des cours de chant, et encore plus d’apprendre un vrai métier.
Surtout que depuis qu’une copine lui a filé le tuyau, elle met des petites annonces sur Boitesauxlettrescoquine.com, et se fait un rendez-vous de temps en temps, pour payer ses factures – ou ses dettes. Elle n’aime pas trop les clients, évite de les embrasser, et ne jouit pas avec eux. Pour tout dire ils la dégoûtent un peu, mais il faut bien vivre.

V. a 24 ans. Elle a déjà arrêté l’escorting trois fois- et repris deux fois. Elle alterne entre dire que c’est génial, que ça l’épanouit, que ça lui permet de poursuivre ses études et de faire des voyages culturels, et se plaindre que c’est affreux, que les hommes sont des salauds, qu’elle ne veut plus en voir un de sa vie. On la croit forte, elle est d’une fragilité maladive.
Est-ce qu’elle prend du plaisir ? J’ai quelques doutes. Nul ne le sait vraiment, pas même elle.

J. a 32 ans, elle vient de découvrir l’escorting et s’y est lancée à corps perdu. Les clients n’en reviennent pas, ils n’avaient jamais vu une furie comme ça. Quasiment de la nymphomanie, à ce stade. Mais bizarrement, quand au détour d’une conversation elle mentionne son ancien petit copain qui a eu l’audace de la quitter, je comprends un peu mieux…

G. a 36 ans. Elle avait oublié qu’elle avait un corps, et qu’il était désirable. Peut-être parce que son mari ne la regardait plus ? Un soir, sur un coup de tête, elle a accepté la proposition – vénale – d’un de ses contacts professionnels, sans trop y croire, comme si c’était un jeu. Et elle y a pris goût. A présent elle traîne dans les bars de grands hôtels, de temps en temps, et se laisse aborder, sourire aux lèvres. Généralement, ils ne sont pas si surpris que cela.

M. a 55 ans, mais personne ne le sait. Elle en prétend 39, et finalement on y croit, car elle est si enjouée, si animée, que personne n’a le temps de compter ses rides. Devenir escorte à l’âge où d’autres vont promener leurs petits-enfants au square, c’était un pari mais elle l’a brillamment remporté. Les hommes apprécient son appétit de la vie, du sexe, sa décontraction. Ils se sentent bien avec elle. Et pourquoi ne continuerait-elle pas.. jusqu’à 70 ans ?

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