mercredi 3 novembre 2010

Les trois âges de la vie / Eux

- Il a 35 ans, il est encore pas mal ou bien il a déjà une petite calvitie et / ou une petite bedaine mais de toute façon peu importe, il ne peut plus draguer : cela lui est interdit ou ça lui attirerait trop d’ennuis et il se résigne d’avance.
On le voit en vacances au bord des piscines, l’air un peu abattu, comme un enfant puni, pourvu d’autres enfants- les siens- et d’une femme au physique agréable souvent mais au sex-appeal envolé, absorbée qu’elle est par les joies et les peines de la maternité.
Il risque un regard derrière ses lunettes de soleil, on sent qu’il a envie de s’échapper. Il n’ignore rien des bimbos du coin mais garde un air indifférent – il prend son mal en patience. Une fois rentré à Paris, une semaine ou deux avant sa petite famille, il me passera un coup de fil et se vengera sur moi de toutes les frustrations de son été.

- il a 50 ans, son élégance compense ou met en valeur les stigmates que la maturité a donné à son visage, à sa silhouette. Il a un air détaché et sûr de lui, cela se sent dans sa manière de commander le vin, de le goûter en connaisseur, ni blasé, ni démesurément enthousiaste.
Il contrôle sa vie, du cours de ses actions au tombé de ses costumes sur-mesure.
En face de lui à la table du restaurant (deux étoiles au Michelin) une femme que de dos on pourrait croire magnifique. Son corps est celui d’une jeune femme mais le cou et la tête accusent son âge, que les progrès de la cosmétique ni ceux de la chirurgie esthétique ne peuvent empêcher d’être le même que celui de son mari, à peu de choses près. Sa coiffure très permanentée et ses gros bijoux achèvent de la placer parmi ses contemporains. Elle est très bien habillée (Armani ou Azzaro ?), très sobrement et classiquement. Ils discutent aimablement, il a des attentions pour elle – s’il consulte de temps en temps son blackberry, qu’il a laissé sur la table, c’est que sa collaboratrice peut avoir besoin de le joindre pour une affaire importante, où plusieurs dizaines de milliers d’euros seront peut-être en jeu. Ce ne peut être que pour cela qu’il a ce geste impoli à l’égard de sa compagne, son « épouse » comme il dit quand il me parle d’elle. Mais peut-être aussi pour vérifier discrètement que le rendez-vous Hôtel Cupidon jeudi 13 tient toujours – 15h/17h, et qu’il n’aura pas besoin de booker une autre fille.

- il a 70 ans, ses yeux bleus pétillent comme ceux de Picasso. Mais le regard se fait dur de désir aussi parfois. Il sait ce qu’il veut et n’a pas de temps à perdre. Il adore la moto, la plongée sous-marine, le parachutisme, il aime prendre des risques.
Son corps a des exigences de jeune homme alors que les femmes le croient « retiré des affaires amoureuses », douloureux paradoxe. D’autant qu’il est particulièrement sensible au charme des très jeunes femmes, les femmes enfant, les femmes fleurs. Leur naïveté l’amuse et le séduit, alors qu’elle irriterait l’homme de 50 ans.
Il n’a pas d’autre choix, s’il n’est pas écrivain, chanteur ou photographe, que de leur faire discrètement des « propositions », ou bien de chercher sur missive la débutante qu’il « aidera à financer ses études ». Le temps passant, il lui donnera des conseils, la pistonnera peut-être – un jour, quand elle aura arrêté, elle viendra lui présenter son premier bébé.


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