samedi 3 novembre 2012

Métamorphose

Bien que j’y sois rarement obligée, j’aime bien changer de tenue avant un rendez-vous. C’est souvent assez acrobatique, c’est cela qui m’amuse justement. Je sors du bureau, j’entre dans un café et, peu après avoir commandé, je descends aux toilettes avec mon petit sac sous le bras. Là, je déballe tout et entreprends la Grande Transformation : le pantalon tombe, j’enfile les bas neufs (en faisant attention à ne pas les filer), je change de dessous – et me tortille parfois pour agrafer seule ma guêpière. Les ballerines cèdent la place aux escarpins (quand ce n’est pas aux talons aiguille). Je me faufile dans ma robe, range mes affaires avant qu’une impatiente ne vienne frapper à la porte et je sors me faire une beauté devant la glace du lavabo. Mes yeux s’ombrent, ma bouche rougit, le parfum se fait capiteux. En quelques minutes – je suis devenue experte en la matière – je suis méconnaissable, et il n’est pas rare que le serveur me regarde avec étonnement quand j’émerge à nouveau devant mon verre de vin blanc. J’aurais pu faire espionne, me suis-je souvent dit, alterner les perruques blondes à la Marilyn ou brunes à la Louise Brook, passer de la discrète employée de banque à la flambloyante star de cinéma… Mais parfois je me fais penser aussi à la version féminine de superman, qui se change en un clin d’œil dans une cabine téléphonique. Surtout la fois où, n’ayant plus le temps de trouver un café, j’ai procédé à cette métamorphose dans le hall d’un immeuble, en priant pour que personne n’ouvre la porte à ce moment précis.


samedi 15 septembre 2012

Fantasme

Fiction. Toute ressemblance...

Elle arrive, habillée d'un tailleur très classique, d'un chemisier sage boutonné, de dessous simples mais avec porte-jarretelles et bas, à l'ancienne. C'est une bourgeoise qui a accepté un rendez-vous à l'aveugle avec un inconnu. Inconnu croisé au détour d'un forum internet, sur un site de rencontres... peu importe. C'est la première fois qu'elle fait cela, elle n'en revient pas de son audace. Elle est sur le point de faire demi-tour, terrorisée mais son frisson est ambigu... elle doit reconnaître qu'elle mouille déjà, à l'idée de ce qui l'attend. Elle ne sait pas ce qui l'attend, justement, peut-être le pire, peut-être fera-t-elle la Une des journaux demain, « Crime sordide au Grand Hôtel », et tous ses proches se demanderont ce qu'elle pouvait bien faire là à cette heure de la journée... dans quel but... Mais non, elle est folle, il ne va rien lui arriver de mal. Elle a décidé de faire confiance à cet homme dont elle n'a jamais vu le visage, de se donner entièrement à lui. Il est trop tard pour faire machine arrière. Elle s'assied sur le lit et pose sur ses yeux le loup qu'il lui a demandé d'apporter. 

Elle entend les coups de sa respiration affolée, pendant de longues minutes, puis des pas qui se rapprochent, une clé dans la serrure, il est là, dans la chambre. Que va-t-il se passer ? Elle le sent debout à ses côtés, la surplombant, la détaillant, elle frémit de ne pas être à son goût. Sans dire un mot, il glisse son doigt sur ses lèvres, puis son cou. Il marque une pause et descend doucement entre les deux seins par l'échancrure de son chemisier. Il ouvre très lentement un bouton, puis deux, et un troisième. Il guette ses réactions, vérifie qu'elle se laisse bien faire sans bouger, comme il le lui a ordonné. Satisfait de se voir obéi, il s'écarte alors pour aller chercher un objet. Lorsqu'il revient, elle réalise qu'il lui lie les pieds. De nouveau, elle prend peur, se reproche d'être inconsciente mais se laisse glisser dans une passivité voluptueuse. Elle n'est pas étonné quand il lui lie également les mains. A présent tout peut m'arriver, peu importe, j'aurais vécu ce moment d'une intensité folle, se dit-elle. Ainsi entravée, elle lui est totalement offerte. Il va pouvoir jouer avec elle, l'utiliser comme une poupée docile, la rendre esclave de son désir à lui. 

Il commence par ouvrir en entier le chemisier et sortir les seins de leurs dentelles. Ceux-ci ont un air obscène ainsi, comme gonflés artificiellement. Il relève la jupe et fait glisser sa culotte. Elle se dit en rougissant qu'il va pouvoir constater qu'elle mouille... et en effet, il plonge un doigt dans sa chatte déjà trempée. Mais il le retire et introduit un autre objet – elle se demande de quoi il s'agit, légume ou sex-toy ? Quand il met en marche les vibrations elle a la réponse, mais n'en est pas moins confuse. La voici livrée aux appétits lubriques d'un homme dont elle ne sait rien, un gode enfoncé dans la chatte, comme la dernière des salopes ! Que dirait son chef, s'il la voyait ? Son mari ? Elle, si respectable et respectée ! Elle veut au moins se retenir de jouir mais l'orgasme monte à son corps défendant... 

Sauf que l'inconnu en a décidé autrement. Il l'amène au bord et s'interrompt brusquement. Aussi brusquement, une queue s'introduit dans sa bouche, sans ménagements. Elle s'en étouffe presque, mais elle n'a pas d'autre choix que de sucer cette grande et grosse queue impérieuse. Elle y prend goût, cela l'excite presque autant que le gode dans sa chatte tout à l'heure. Si elle pouvait se caresser en ce moment, elle exploserait, elle en est sûre. Mais ses mains restent liées, le rythme imposé par la main qui presse sa nuque. Puis il lui retire la queue aussi. Elle reste pantelante sur le lit, seule, inutile soudain. La porte claque. Elle demeure seule un bon moment, puis entend de nouveau la porte. Il est revenu – lui, ou peut-être un autre ? Et s'ils étaient plusieurs ? Elle ne sait plus si elle craint ou si elle espère. 

Des mains la basculent ventre contre le lit, fesses surélevées par un coussin, insolentes, offertes. Des mains lui empoignent ses fesses charnues, fesses de « vraie femme » comme on lui a parfois dit, et tout à coup un coup les cingle – la cravache a fendu l'air. Quelques coups seulement, pour leur donner une jolie couleur rosée. La légère brûlure est délicieuse. De nouveau elle attend. En a-t-il déjà fini avec elle? Pourvu que non, se dit-elle, tout en redoutant la suite. Il revient en effet, le membre dressé, prêt à l'enfiler. Elle est étroite, les jambes entravées de cette manière, mais il trouve son chemin. Il pourrait aussi bien les lui délier et les attacher aux deux coins du lit pour l'écarteler. Il la prend sans ménagements, guidé seulement par son plaisir viril, indifférent à ses sensations à elle, et pourtant, c'est ainsi qu'elle a toujours rêvé d'être prise, justement. Elle jouit en de longs spasmes et en l'inondant de cyprine. Il la rejoint dans l'extase peu après. 

Il la détache alors. Elle a toujours le bandeau. D'un doigt, il trace sur son ventre les lettres M, E, R, C, I. Elle ne bouge pas, mais fait signe de la tête qu'elle a compris. La porte claque, elle est de nouveau seule dans la chambre.

samedi 30 juin 2012

La Courtisane amoureuse, Jean de la Fontaine

Je veux conter comme une de ces femmes
Qui font plaisir aux enfants sans souci
Put en son coeur loger d'honnêtes flammes.
Elle était fière, et bizarre surtout.
On ne savait comme en venir à bout.
Rome c'était le lieu de son négoce.
Mettre à ses pieds la mitre avec la crosse
C'était trop peu; les simples Monseigneurs
N'étaient d'un rang digne de ses faveurs.
Il lui fallait un homme du Conclave;
Et des premiers, et qui fût son esclave;
Et même encore il y profitait peu,
A moins que d'être un cardinal neveu.
Le Pape enfin, s'il se fût piqué d'elle,
N'aurait été trop bon pour la donzelle.


De son orgueil ses habits se sentaient.
Force brillants sur sa robe éclataient,
La chamarrure avec la broderie.
Lui voyant faire ainsi la renchérie ,
Amour se mit en tête d'abaisser
Ce coeur si haut; et pour un gentilhomme
Jeune, bien fait, et des mieux mis de Rome,
Jusques au vif il voulut la blesser.

Jean de la Fontaine (extrait)