dimanche 21 juin 2015

The Duke of Burgundy

Cela fait un bon moment maintenant que je n'ai pas écrit dans ce blog... Manque de temps, ma vie professionnelle se faisant plus prenante, manque d'inspiration aussi peut-être... Un film que j'ai vu hier m'a donné envie de reprendre la plume. The Duke of Burgundy est un étrange objet cinématographique : très esthétique voire esthétisant, il aborde un sujet peu traité (le SM entre femmes) d'une manière originale.

Bien loin du SM de pacotille des 50 Shades, il démonte les ressorts de ces jeux pas si innocents. Si la première "lecture" est affriolante (sensualité des scènes filmées par une caméra qui caresse littéralement les actrices), la seconde sème le doute et la troisième engendre le malaise.
Car le scénario est construit par retours successifs sur les mêmes scènes, progressivement chargées d'une signification plus profonde - mais aussi plus triste.
Sans vouloir tout révéler, cette déconstruction d'une relation où celui qui domine n'est pas celui qu'on croit m'a renvoyée à ma propre expérience en la matière.
Pendant longtemps, j'ai pensé que le SM n'était pas "mon truc". En tout cas pas sous son aspect d'humiliation et certainement pas en tant que Domina (soumise dans un jeu sexuel "soft", ça, oui ;)).
Et puis un jour, il y a quelques temps de cela maintenant, un client s'est mis en tête de me "convertir". Persuadé que j'avais l'étoffe d'une Maîtresse (je me demande encore ce qui lui faisait penser ça), il m'a convaincue d'essayer et, peu à peu, a réussi à me faire prendre plaisir à ce rôle. J'aimais les tenues sexy qu'il m'offrait, manier la cravache, le promener en laisse dans le club où il a ses habitudes. J'appréciais qu'on m'y admire et qu'une cour de soumis se forme autour de moi pendant que je le corrigeais. J'avais l'impression de revenir à ma première vocation, abandonnée lorsque les rêves de jeunesse ont du faire place à la réalité, qui était de devenir comédienne pour pouvoir vivre mille vies. Car là aussi il fallait, non seulement se glisser dans un costume mais bien dire son texte, et qui plus est, l'improviser tout en ayant l'air convainquant. J'ai toujours eu des doutes sur ma capacité à être crédible dans ce rôle si éloigné de ma propre personnalité. C'était ce qu'on appelle un vrai rôle de composition, même si je puisais dans mes propres émotions (colère contre un chef abusif, envie de me défouler sur quelqu'un des petites contrariétés du quotidien) pour entrer dans mon personnage. Mais qui dit rôle de composition dit effort, maîtrise de soi permanente, préparation avant d'entrer en scène, temps d'adaptation après en être sortie pour revenir à la "vraie vie"...
Tout ceci explique pourquoi je me suis éloignée de ces jeux. Non que je n'y aie jamais trouvé de plaisir, bien au contraire... Mais aujourd'hui, ou du moins pour le moment, je préfère les plaisirs plus simples. Je n'ai plus l'énergie (mentale plus que physique) de me glisser dans ma combinaison de latex. Je n'arrive plus à jongler entre dossiers et fessées. C'est cette lassitude que j'ai retrouvée dans le personnage de Cynthia dans le film, cette femme qui ne rêve que de partager des moments de douceur  avec son amante et qui se retrouve prisonnière d'une partition écrite à l'avance.
Aujourd'hui mes rendez-vous sont en effet sous le signe de l'abandon, j'y apporte ma tendresse et parfois ma fougue, selon ce que m'inspire mon partenaire. Si je garde toujours un masque, condition sine qua non de ma double vie, je me permets davantage d'être moi-même et de me livrer. Il est vrai que je vois aussi moins de clients et essentiellement  des fidèles, quasiment des amis, avec qui je partage souvent plus que deux heures de folie des corps.
Je ne regrette pas d'avoir vécu d'autres expériences car j'avais cette soif de découverte. Je l'ai moins à présent. Je sais qu'en avouant tout ceci je vais faire de la peine à mon soumis qui, lui aussi, pourrait mériter le titre d'ami. Lui montrer ainsi les coulisses, mon visage sans fards, risque de briser ses illusions à mon égard. Mais après ses nombreux messages laissés sans réponse je lui devais, il me semble, une explication. Qu'il aille voir ce film, et il comprendra.